Léviathan Thot
Ernesto Neto
Du 15 septembre au 31 Décembre 2006
Au Panthéon
En bonne petite étudiante en art et en design que je suis,oui, oui, j’aime le travail d’Ernesto Neto, ces collants de lycra tendus par le poids d’épices ou de billes de polystyrène.
Neto forme des espaces suspendus au plafond qui se déploient comme une armée de stalactites mous. Terriblement organique et terriblement attractif.
Ces installations sont sensorielles. Les épices titillent notre odorat, la matière du lycra incite au toucher et la suspension au plafond agit comme un étouffeur de bruit, mais pas d’oppression ici, on n’est pas chez Beuys.
C’est sûr, il y a une recette Neto et elle est efficace même si elle peut sembler lassante.
Quand j’apprends qu’une installation monumentale occupe le Panthéon, je pense d’abord au volume du monument et frémit d’avance à l’idée d’une installation si grande. Et l’effet est au rendez-vous, Léviathan Thot s’inscrit dans tout l’espace du Panthéon. Il suit son plan en croix et se répand sur ces quatre nefs. La suspension en contraste avec la pesanteur des collants accentuent la hauteur du bâtiment, comme si elle devenait palpable.
Un vague souvenir du Léviathan, sorte de monstre marin. Je n’aurai pas besoin d’approfondir mes recherches car on comprend bien vite que la référence au livre de Job dans le titre de l’installation n’est un prétexte à l’inscription de l’œuvre dans le monument. Il semble que Neto soit plus intéressé par les possibilités formelles qu’offre le concept du Léviathan que par son idée en elle-même. Ses justifications métaphoriques paraissent secondaires et passablement tirées par les cheveux.
Ca y est, l’effet sensationnel est passé et la vidéo vue, il est temps de me saisir d’un guide ou autre agent du patrimoine pour lui assener ma batterie de questions.
En commençant doucement, bien sûr, « oui, c’est bien de la lavande dans les collants, il y a de la camomille aussi ». Le guide est amadoué mais pas assez pour vraiment me donner le fond de sa pensée quant à l’installation et son intégration au sein de l’architecture du Panthéon. Alors gêné, il me relègue à un collègue très très remonté contre l’œuvre de monsieur Neto. C’est un scandale, comment ose-t-on montrer ça? Ici? Non, ce Monsieur Neto, c’est un cynique, un cynique. Bien sûr, je gobe ses paroles quoiqu’un peu chamboulée. Là-dessus arrive une autre guide prête pour une visite. Messes basses « Tu vas parler de… ça? » « Non, rien à dire dessus ». Le livre d’or finit de m’achever : « L’architecture somptueuse du Panthéon est gâchée par ce truc. »
Et tous ces gens qui sont venus visiter le Panthéon…On ne voit pas grand chose du Panthéon, c’est un arrière-plan qui agit comme un contraste pour l’œuvre.
Neto en a pris un grade dans ma petite culture artistique mais il continue de me séduire. J’ai la bonne excuse d’être trop jeune je pense, pour m’engager dans un jugement sur la décision d’implanter cette installation ou non dans un monument historique tel que le Panthéon mais les questions qu’elle soulève ainsi que ses conditions (dans le cadre du festival d’automne, Neto est invité par le Ministère de la Culture) sont terriblement intéressantes au delà des lamentations habituelles « oui, et tout ça avec l’argent du contribuable ».
Libre à vous de me donner votre avis...