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mercredi 24 juin 2009

Le nuage vert de HeHe

Nuage Vert from HeHe on Vimeo.

Le nuage vert de HeHe (Helen Evans et Heiko Hansen) est une installation environnementale qui projette une ombre vert fluo sur un nuage de fumée rejeté par un incinérateur. Avec à une camera thermique reliée à un laser, la projection ne fait pas qu'utiliser la fumée comme support mais elle vient révéler ce nuage. Un projet intéressant parce qu'au-delà de son efficacité visuelle, il engage de nombreuses questions esthétiques, environnementales et politiques. 

Vous retrouverez toute l'histoire du nuage vert ici ou comment le projet a remporté un franc succès lors de sa réalisation lors du festival Ars Electronica en Finlande mais reste encore avorté à la mairie de Saint-Ouen.

Ce qui m'intéresse ici, au-delà de la frivolité de la mairie de Saint-Ouen à accueillir un tel projet (quoique, voyez, j'aime tout de même enfoncer le clou), c'est l'ambiguïté de ce nuage vert. Cette installation désigne la fumée en même temps qu'elle offre un spectacle aux habitants de la ville. Elle ne dénonce pas en soi, il n'y pas de discours arrêté sur l'émission de ces incinérateurs, mais en désignant elle propose au public de se faire sa propre interprétation. Lors de sa présentation à Helsinki, les habitants étaient invités à débrancher leurs appareils électriques, ceci ayant pour conséquence de faire grandir le nuage. Oui, oui, grandir parce qu'il y a plus d'énergie disponible pour que l'incinérateur fonctionne. Lors de cette action, les habitants n'ont donc pas participer à une réduction immédiate de la consommation énergie puisque la leur s'est vue compenser par l'action de l'incinérateur mais ils ont été sensibles à la matérialisation de l'énergie. Celle-ci permet, par la couleur, d'objectiver cette donnée souvent impalpable et à plus long terme de conscientiser la population. 

Matérialiser l'énergie c'est également un des objectifs de la Fondation Edf, on se souvient des prises qui viennent souligner la consommation inutile des appareils en veille mais aussi de l'horloge comparée de consommation imaginée par François Brument. 
Et ce même vert fluo dans l'horloge. Si cette couleur qui, suivant le contexte, est liée à l'écologie (on ne compte plus le nombre de logos écolos qui bourgeonnent à tout va : vert pour l'écologie, fluo pour le marketing) mais aussi à la chimie, à l'artificiel (on se souvient du lapin vert fluo, expérience loufoque d'Edouardo Kac), est tant utilisée dans les discours sur l'environnement, c'est peut-être qu'au-delà de cette ambiguïté de sens, le vert fluo, oxymore coloré, contient à lui tout seul la conscience de l'environnement (vert) et l'action (aussi artificielle et chimique soit-elle) de l'homme (fluo). 



Le nuage vert était présenté dans l'exposition Science Vs Fiction de Bétonsalon.

mardi 9 juin 2009

ATOM @ Mutek


Dans le cadre du festival Mutek à Montréal, ATOM de Robert Henke & Christopher Bauder Au théâtre Maisonneuve les 29 et 30 mai 2009


Les spectateurs s'installent et encerclent l'installation sur la scène-même du théâtre Maisonneuve.

64 ballons blancs gonflés à l'hélium sont organisés dans un carré de huit ballons de côté. Lorsqu'on pénètre dans la salle obscure, une douzaine de spots rouges au plafond constitue l'unique éclairage. Et un ballon s'allume, puis deux, puis tous se mettent à littéralement clignoter sur la trame de fond électronique des djs Robert Henke et Christopher Bauder. Tous reliés à un petit moteur qui enroule et déroule leurs fils, et les allume et fait clignoter, les ballons montent et descendent dans l'espace aux proportions d'un cube. Les figures jouent sur le rythme et la déconstruction d'un cube dans un feu d'artifices à l'hélium. Tantôt dispersés dans une foule de ballons, puis assemblés en différents pans et lignes dans une chorégraphie rythmée, les ballons s'affranchissent des lois de la gravité et définissent un nouvel espace en hauteur. 



lundi 20 avril 2009

Pecha Kucha pecha kucha pecha kucha

Pecha kucha pecha kucha pecha kucha...

un murmure, un bruit de fond... Dans ces soirées, le spectateur est invité à échanger avec son voisin pendant une présentation, pour que règne un murmure bourdonnant.
20 images pour 6min40s, concision?
Finalement peu importe le discours, peu importe si les notes sont ordonnées et peu importe si on improvise, à Pecha Kucha souvent, les images parlent d'elles-mêmes. Le spectateur pioche et retient ce qui lui plaît... Les interventions sont inégales mais s'enchaînent sans hiérarchie aucune.

Du dernier Pecha Kucha montréalais, je veux retenir :

- La symphonie pour imprimantes de The User qui m'a vaguement rappelé l'installation mécanique de Malachi Farrell présentée au Centre Pompidou en 2005.

Le site de The User étant peu mis à jour, je n'ai pas trouvé leurs belles vidéos ni leurs autres projets qui étaient tout aussi intéressants. Voici donc pour lot de consolation une vidéo de l'atelier de couture clandestin de Malachi Farrell :




- Les aventures dans la ville de Montréal du collectif Péristyle Nomade.



lundi 6 avril 2009

Human carriage


Prendre l'ascenseur, monter au dernier niveau puis descendre le long de la rampe. La visite de l'exposition devait être vécue comme une expérience en soi, et l'exposition pensée comme un discours fluide. Pas de perte du visiteur dans les méandres des salles du musée, pas de découpage strict des sections de l'expo...
Intégré dans un réseau muséal, le Guggenheim rend malheureusement trop peu hommage à sa spirale et ses expositions, pour la plupart itinérantes, sont rarement spécifiques à l'architecture-même du musée. 
Mais... Quand après avoir fait la queue bien en rang jusque sur la 88ème rue (Oui, le vendredi soir le Guggenheim est gratuit), nous entrons dans le forum, la rampe est maintenant soulignée par une main courante en aluminium. Dans ce grand hall, une installation de voiles de tissus et de feuillets de papiers entassés s'adosse à la rampe naissante. C'est une partie de l'oeuvre d'Ann Hamilton, Human Carriage et ô bonheur, cette dame en noir qui farfouille dans les papiers entassés, c'est elle,oui, Ann Hamilton. 

Pour une explication plus détaillée de son installation je vous renvoie à la vidéo du Guggenheim où entre deux discours de la commissaire de l'expo The Third Mind présentée en ce moment, Ann Hamilton explique la transmission des textes et leur accumulation en nous.
Ce que je veux retenir ici, c'est la légèreté de cet oiseau hybride qui descend le long de la rampe, tinte lorsqu'il heurte ces obstacles pour finalement arriver au bas de l'installation et détacher les quelques feuillets qui viennent gonfler le tas dans le hall du musée. L'heure de passage n'est pas déterminée, les visiteurs voient l'artiste (ou son assistante) préparer chacune des "représentations" : préparer les feuillets, faire remonter l'oiseau via un système de poulies. Les coulisses sont au centre de l'espace. Et lorsqu'il se lance, l'oiseau attire tous les visiteurs qui se penchent à la rampe. Tous les spectateurs suivent son chemin et souvent applaudissent lorsque tombent les feuillets. La spirale de Monsieur Wright devient théâtre et tous les spectateurs participent ainsi à chaque représentation.  

mardi 24 juillet 2007

Monumenta 2007 Anselm Kiefer

Retour sur la Monumenta d’Anselm Kiefer
Ou les traces d’une exposition sur ma carte-mémoire

Décharger les photos avant qu’elles ne se contaminent les unes aux autres.
Faire défiler et reconnaître un jus, le mien.
Trier et revivre par un écran de pixels quelques petits moments.
Les photos comme une deuxième visite par procuration
S’attendre justement à revivre les mêmes impressions, l’affichage de la photo comme un déclencheur de la mémoire.
Et puis non, cette bibliothèque, première photo de ma série Monumenta, elle est minuscule, on dirait un cadre-photo.
Frustration que de ne pas revivre ce volume. Pourquoi ?
Evidemment, il n’y a aucune échelle. Pas de petit personnage ni de silhouette.
Inclure le touriste à casquette, t-shirt rouge et short kaki, lui-même en train de prendre une photo, ce n’était pas pensable. Il ne fallait pas briser l’harmonie de gris, une harmonie sourde qui se détachait de son fond parfaitement blanc. Il ne fallait pas faire cohabiter ces deux dimensions du temps : celle du touriste pressé et celle monumentale et silencieuse de la bibliothèque. Silencieuse ? Non, la bibliothèque était tout sauf silencieuse mais l’entrechoquement de ces débris de verre et de métal (entrechoquement qui ne s’entendait qu’en regardant la bibliothèque) produisait un grondement sourd qui semblait s’élever de la bibliothèque comme une aura et s’imposait alors comme un lourd silence.


La monumentalité de l’œuvre me permettait alors de faire abstraction des autres visiteurs et je pensais rendre compte de ce sentiment en donnant l’illusion de me tenir seule face à cette bibliothèque.
Mais on ne me sent pas derrière l’objectif. J’ai pris d’autres photos au cours de l’exposition, elles sont en contre-plongée et laissent voir la voûte du Grand Palais et par cette perspective, on sent une présence, une échelle.

Or dans cette photo, la perspective en contre-plongée est trop légère, elle ne rend pas compte des dimensions. La bibliothèque devient objet et perd ainsi son caractère monumental. Ce sentiment de grandeur qui vous force à vous tenir debout, à apprécier vos propres dimensions.

Malgré tout je vous livre cette photo, ce cadre-photo au coin d’une table.

dimanche 17 juin 2007

Jean Tinguely, Autoportrait, 1988

Autoportrait 1988
Jean Tinguely
au Centre Pompidou

Tinguely, Tinguely, Tinguely…
Doit-on vraiment prononcer de i , Tineguely, où est-ce que c’est poussé par les oeuvres à la mécanique poétique que l’on chante son patronyme, qu’on le fait justement tinter?
Tinguely en écho aux cliquetis de ses machines. Un nom comme une onomatopée, une chatouille, un guili.

Les visiteurs arrivent par flot régulier dans la salle qui héberge son autoportrait au Centre Pompidou. C’est la curiosité qui les anime. Le son grinçant de cette machine rouillée.
Comme un épouvantail, Tinguely se représente en vieillard au nez crochu, un angle empaillé sur l’épaule. L’œuvre date de 1988, 3 ans avant sa mort. De longues chaînes rouillées relient notre vieillard (sus)pendu au plafond à une grande roue qui cache sous elle un petit moteur. C’est ce dernier qui actionne l’œuvre toutes les 5 minutes environ, il entraîne la roue dans une rotation lente qui tire les chaînes, sorte de bras de l’épouvantail, chacune à leur tour, faisant ainsi danser le vieillard.

Les bruits ainsi que les ombres contribuent à la théâtralisation de l’œuvre qui ne prend son sens qu’en mouvement. Entraîné par les chaînes, l’autoportrait de Tinguely se tourne de chaque côté. Il se débat presque si bien qu’on ne sait plus tellement si c’est lui qui fait marcher la machine ou si c’est elle qui l’anime.


Les quelques mètres qui séparent le vieillard de la roue sont un chemin matérialisé par les chaînes. Le vide créé entre les deux éléments donne une dimension tragique aux liens que sont les chaînes.

Tinguely a passé toute sa vie à bricoler des machines, animé par le mouvement. Lui qui aimait tirer les ficelles se représente à la fin de sa vie en marionnette.

photos personnelles



jeudi 26 octobre 2006

William Forsythe au Louvre

William Forsythe et Peter Welz
Retranslation/Final Unfinished Portrait (Francis Bacon)
Du 13 octobre au 11 Décembre
Au Louvre


Le dessin est geste. Le dessin est danse. Le dessin est espace.

William Forsythe s’est imprégné de l’énergie du dernier tableau inachevé de Bacon. Il s’en est imprégné et l’a retranscrite sous la forme d’une performance dansée.

La peinture, le dessin prennent alors une toute autre dimension. La performance est une superbe mise en abyme de l’élaboration picturale. Les formes, les lignes, les couleurs traduisent bien une dynamique picturale chez Bacon mais si ses œuvres sont si puissantes c’est justement parce que ces formes, lignes et couleurs vont au-delà d’une simple composition dynamique. Elles renvoient à un au-delà non perceptible sur la surface de la toile elle-même. Elles renvoient à l’énergie du peintre, à son état second nécessaire, à cette lutte contre la toile blanche dans l’espace. Elles sont l’impression bidimensionnelle de cette danse.
Avec la performance de Forsythe, la toile de Bacon n’est plus seulement image. La toile est présentée avec suffisamment de recul pour suggérer cet espace devant la toile dans lequel Bacon a œuvré. Mise en résonance avec les trois panneaux vidéo (de 4m par 5) restituant la performance de Forsythe par Peter Welz, la toile n’est plus une illustration sur laquelle on aura bien voulu mettre un titre, elle est également un moment, un temps, une rencontre dans un temps donné.

Les panneaux vidéos restituent la performance de Forsythe et nous le présentent à échelle humaine. Il y a donc une identification immédiate de l’espace qui s’opère. Un panneau reprend la performance vue du dessus, permettant ainsi de constater ou plutôt d’imaginer le résultat de la danse de Forsythe sur le papier blanc au sol. Forsythe, pinceau noir vivant, est équipé de gants et chaussures sur lesquels a été accroché du fusain. La vue du dessus est encadrée par deux autres panneaux reprenant une vue sur le côté. On perçoit ainsi les angles de cette pièce blanche.

Le double point de vue, associé au mouvement de la danse créent cette ivresse de la création grâce à une perte de repère relative. Le corps se tord et se distord dans un état second au-delà des lois de la pesanteur. Forsythe est animé par cette recherche, ce processus qui caractérise la création. Il ne s’arrête pas parce qu’il pense avoir fini mais parce qu’il a pu dégager toute l’énergie dont il était empli. Dans cette longue salle, la toile de Bacon est présentée en premier, puis viennent les trois panneaux, positionnés de manière à créer une déambulation linéaire et enfin la grande feuille blanche, résultat de la performance. La boucle est bouclée en quelque sorte. Mais ce qu’il est important de noter, ce n’est pas la ressemblance du résultat de la performance avec l’œuvre de Bacon mais simplement le fait qu’elle soit là. Forsythe n’a pas cherché à faire du Bacon, ni même à imaginer une chorégraphie correspondant à chaque trait présent sur la toile, la performance est essentiellement improvisation.


La performance de Forsythe n’existe que parce qu’elle renvoie à une œuvre picturale. Elle n’est belle que parce qu’elle est une sublimation de l’œuvre picturale. Elle ne s’en décroche pas. C’est la reconsidération de l’œuvre en deux dimensions en tant qu’élaboration spatiale qui est intéressante. La confrontation de la peinture, à la performance et à l’installation vidéo se fait parfaitement et les différents arts s’en trouvent enrichis. Retranslation/Final Unfinished Portrait (Francis Bacon) est donc à voir comme un tout. A isoler la seule performance de Forsythe, on serait déçu.

mardi 19 septembre 2006

Léviathan Thot



Léviathan Thot
Ernesto Neto
Du 15 septembre au 31 Décembre 2006
Au Panthéon




En bonne petite étudiante en art et en design que je suis,oui, oui, j’aime le travail d’Ernesto Neto, ces collants de lycra tendus par le poids d’épices ou de billes de polystyrène.
Neto forme des espaces suspendus au plafond qui se déploient comme une armée de stalactites mous. Terriblement organique et terriblement attractif.

Ces installations sont sensorielles. Les épices titillent notre odorat, la matière du lycra incite au toucher et la suspension au plafond agit comme un étouffeur de bruit, mais pas d’oppression ici, on n’est pas chez Beuys.
C’est sûr, il y a une recette Neto et elle est efficace même si elle peut sembler lassante.


Quand j’apprends qu’une installation monumentale occupe le Panthéon, je pense d’abord au volume du monument et frémit d’avance à l’idée d’une installation si grande. Et l’effet est au rendez-vous, Léviathan Thot s’inscrit dans tout l’espace du Panthéon. Il suit son plan en croix et se répand sur ces quatre nefs. La suspension en contraste avec la pesanteur des collants accentuent la hauteur du bâtiment, comme si elle devenait palpable.

Un vague souvenir du Léviathan, sorte de monstre marin. Je n’aurai pas besoin d’approfondir mes recherches car on comprend bien vite que la référence au livre de Job dans le titre de l’installation n’est un prétexte à l’inscription de l’œuvre dans le monument. Il semble que Neto soit plus intéressé par les possibilités formelles qu’offre le concept du Léviathan que par son idée en elle-même. Ses justifications métaphoriques paraissent secondaires et passablement tirées par les cheveux.

Ca y est, l’effet sensationnel est passé et la vidéo vue, il est temps de me saisir d’un guide ou autre agent du patrimoine pour lui assener ma batterie de questions.
En commençant doucement, bien sûr, « oui, c’est bien de la lavande dans les collants, il y a de la camomille aussi ». Le guide est amadoué mais pas assez pour vraiment me donner le fond de sa pensée quant à l’installation et son intégration au sein de l’architecture du Panthéon. Alors gêné, il me relègue à un collègue très très remonté contre l’œuvre de monsieur Neto. C’est un scandale, comment ose-t-on montrer ça? Ici? Non, ce Monsieur Neto, c’est un cynique, un cynique. Bien sûr, je gobe ses paroles quoiqu’un peu chamboulée. Là-dessus arrive une autre guide prête pour une visite. Messes basses « Tu vas parler de… ça? » « Non, rien à dire dessus ». Le livre d’or finit de m’achever : « L’architecture somptueuse du Panthéon est gâchée par ce truc. »

Et tous ces gens qui sont venus visiter le Panthéon…On ne voit pas grand chose du Panthéon, c’est un arrière-plan qui agit comme un contraste pour l’œuvre.

Neto en a pris un grade dans ma petite culture artistique mais il continue de me séduire. J’ai la bonne excuse d’être trop jeune je pense, pour m’engager dans un jugement sur la décision d’implanter cette installation ou non dans un monument historique tel que le Panthéon mais les questions qu’elle soulève ainsi que ses conditions (dans le cadre du festival d’automne, Neto est invité par le Ministère de la Culture) sont terriblement intéressantes au delà des lamentations habituelles « oui, et tout ça avec l’argent du contribuable ».

Libre à vous de me donner votre avis...

jeudi 29 juin 2006

Lakkat, Anri Sala

Anri SALA
LAKKAT, 2004

Dimanche après-midi. Il n’y a pas foule au Mac Val et c’est tant mieux. On respire. La collection est intéressante, les artistes sont ce qu’on pourrait appeler des artistes « annexes », connus mais pas archi-connus. Cette présentation a le mérite d’élargir le paysage artistique contemporain.
On se penche donc plus volontiers sur les œuvres dont on a souvent le sentiment que leurs auteurs ont été injustement oubliés des grandes expositions, on déambule, on erre avec un regard frais. On a le temps d’être comme interpelé par chaque œuvre. Pas besoin de pousser, pas besoin d’attendre son tour. Oui, c’est un peu la liberté, le Mac Val…
Sur la mezzanine, le silence est percé par un répétitif« Lakkatak, lakkatak, lakkatak … » provenant d’une salle de projection. La voix claire et perçante d’un enfant, l’accent rond africain et la volonté qui s’accroche à chaque répétition du [k]. Il en ressort une certaine musicalité, un chant qui rebondit sans jamais être tout à fait le même à chaque répétition. Et il y a quelque chose d’hypnotisant dans cette répétition, la preuve en est que cela fait déjà quelques semaines que je l’ai entendue mais l’air, l’intonation trottent encore dans ma tête.
C’est une vidéo. L’enfant travaille avec un répétiteur. C’est en wolof (langue sénégalaise) et « làk-kat » signifie « celui qui parle une autre langue que celle de l’endroit d’où il vient » traduit en français par « charabia ». La voix du répétiteur, plus grave, plus sage, s’efface pour ne plus laisser entendre que les répétitions maladroites de l’enfant. Le spectateur se retrouve dans une position d’apprentissage de la langue, aidé par les sous-titres mais confronté aux différences qu’il existe dans la matérialité-même de chaque langue.
A ce sujet, voici une réflexion sur la langue étrangère extraite de L’empire des signes de Roland Barthes :

« Le rêve : connaître une langue étrangère (étrange) et cependant ne pas la comprendre : percevoir en elle la différence, sans que cette différence soit jamais récupérée par la socialité superficielle du langage, communication ou vulgarité ; connaître, réfractées positivement dans une langue nouvelle, les impossibilités de la nôtre ; apprendre la systématique de l’inconcevable ; défaire notre « réel » sous l’effet d’autres découpages, d’autres syntaxes ; découvrir des positions inouïes du sujet dans l’énonciation, déplacer sa topologie ; en un mot descendre dans l’intraduisible, en éprouver la secousse sans jamais l’amortir[…]
La langue inconnue, dont je saisis pourtant la respiration, l’aération émotive, en un mot la pure signifiance, forme autour de moi, au fur et à mesure que je me déplace, un léger vertige, m’entraîne dans son vide artificiel, qui ne s’accomplit que pour moi : je vis dans l’interstice, débarrassé de tous sens plein.
»

Au-delà de l’accent, certains sons ne sortent pas. L’enfant essaye mais le « leer » qui signifie « clair » n’arrive pas à sortir, il dit « reer » qui signifie « souper ». L’exercice prend l’allure d’un duel musical entre les deux voix scandé par le rythme de la répétition. La prononciation et son déchiffrage s’avèrent être des obstacles tangibles à l’apprentissage d’une langue. Ils peuvent même nuire à la compréhension des concepts liés à cette langue.
Sala nous rappelle qu’une langue n’est pas seulement mentale et que sa prononciation influe sur son organisation rationnelle.
Si l’on ne peut pas prononcer un son (que ce soit du à notre incapacité à l’articuler ou même à comprendre comment un tel son peut être produit), cela a-t-il une incidence sur notre compréhension du concept véhiculé par le mot ?

Tout le vocabulaire lancé par le répétiteur tourne autour de la couleur de peau, l’autre, l’étranger : « xees » (clair de peau) ; « nàak » (l’autre), « toubab » (l’homme blanc)… Des concepts, des notions dont les limites sont arbitrairement définies.
A cela s’ajoute l’art difficile de la traduction qui fait partie intégrante de l’œuvre par le biais des sous-titres.
Il existe en effet quatre versions de Lakkat : une française, une allemande, une anglaise et une américaine, seuls les sous-titres changent. « A chaque fois, Anri Sala a laissé le traducteur adapter au plus juste son interprétation, frottant le wolof aux langues de la colonisation. Ainsi de « Toubab » qui en wolof signifie l’homme blanc, probablement à la suite d’un glissement à partir du mot français toubib, le médecin. En anglais américain, le traducteur a préféré opter pour « big white hope » . A l’approximation des enfants et aux errances du spectateur se superpose la liberté du traducteur dans l’usage de ses propres langues. » Pour traduire, il faut trouver une correspondance de concept entre deux langues, s’il n’y en a pas, il faut la trouver, c’est là que réside la difficulté de l’interprétation.
La citation est extraite du feuillet offert aux visiteurs à l’entrée de la salle de projection. Cela participe à la grande campagne de communication lancée par le Mac Val, (allez jeter un coup d’œil sur leur site ). L’idée avec ces « c’est pas beau de critiquer » est de laisser un critique d’art s’emparer d’une œuvre et nous en communiquer son ressenti. Pari réussi, sans cela je n’aurais probablement pas poussé la recherche moi-même et serais passée à côté de la profondeur de l’œuvre.

illustration: des papillons viennent s'accrocher au néon tout au long de l'exercice avec le répétiteur

vendredi 12 mai 2006

Les Poissons d'Ingo Maurer

Ingo Maurer
Tableaux Chinois
1989-2006
Chaque moment est original


Je me baladais dans la nouvelle expo du Centre Pompidou, le Mouvement des Images quand SOUDAIN, (oui vous aurez remarqué que mes rencontres artistiques ou autres se font toujours soudainement ou peut-être que j’en rajoute un peu, bref, SOUDAIN) des poissons, des vrais.
Des poissons rouges.
Dingue.

Par chance, il y a plein de gens de mon école, tout le monde est venu voir la soirée des jeudi’s organisée par les étudiants en style des arts déco (Ensad, je précise, au cas où) à tous, je conseille d’aller voir ces poissons parce que c’est juste dingue.

Non, mais c’est vrai, vous avez déjà vu des animaux vivants exposés ? Oui, sûrement, mais j’ai beau cherché, pour moi c’est une première. Je ne savais même pas qu’on avait le droit. Ca y est, un flot de questions m’envahit, je me défoule sur le pauvre monsieur qui surveille à côté histoire qu’on ne balance pas quelques miettes dans le bassin plat. Je comprends vite qu’il me prend pour une militante pour les droits des animaux « Est-ce qu’on a le droit de les nourrir ? Qui s’occupe de ça ? Qui change l’eau du bassin ? S’il y en a un qui meurt, qu’est-ce qu’il se passe ? » mais je veux juste savoir si l’artiste a laissé des consignes quant à la conservation si j’ose dire de son œuvre. Parce que moi les poissons rouges…
Il ne sait pas.
Déception. J’en appelle à votre aide si vous en savez plus sur le sujet.

Ca me refroidit et je me rends compte que je n’ai même pas considéré l’œuvre en elle-même trop surprise que j’étais de voir des animaux vivants exposés. Elle rentre dans le champ de l’installation. Il y a le bassin à environ un mètre de hauteur et projetées perpendiculairement sur le mur, les ombres de ce dernier et ceci grâce à une caméra sous le bassin relayée par un haut projecteur. J’ai bêtement vérifié ce système en avançant la main au-dessus du bassin, un mouvement brusque mais retenu suivi d’un raclement de gorge du monsieur qui surveille qui me prenait toujours pour une folle m’a fait comprendre que je devais être plus discrète.

Le bassin est si peu profond que les poissons flottent presque en surface, ils nagent horizontalement. Ils sont donc toujours visibles par le spectateur et renvoient une lumière orange constante. Le bassin est surface et c’est pour cela qu’il fonctionne si bien avec son ombre projeté perpendiculairement sur le mur qui est une sorte de négatif. A cela s’ajoutent l’effet miroir, le jeu graphique grâce aux cercles concentriques dus au mouvement des poissons. Vous pouvez y voir de la poésie : une œuvre en perpétuel mouvement… comme c’est beau. Tout un univers graphique, chromatique, très chinois en fin de compte. Et il y a sûrement des éléments de signification qui m’échappent tels que le symbole du poisson dans la culture chinoise. Les miroirs ovales plutôt que ronds apportent une fluidité et une légèreté au mouvement et s’accordent parfaitement avec la queue argentée des poissons rouges. Oui, c’est beau, même si on décortique tout en parlant des reflets, du graphisme, ça reste beau.
Mais est-ce que c’est plus beau qu’un aquarium ? En quoi cette installation s’en différencie ? Je suis sûre qu’il existe des aquariums alliés à un système de projection tout aussi pointu chez des particuliers. Et pourtant il doit bien y avoir une différence qui va bien au-delà du fait que l’installation est présentée en tant qu’œuvre dans un musée. Il y a un glissement qui s’est fait, une rencontre entre les fameux tableaux chinois reprenant la symbolique du poisson, et l’aquarium trivial de Monsieur Machin (supposons que Monsieur Machin est quand même assez fortuné. Un rencontre faite, non pas sur une table de dissection mais dans le champ contemporain de l’installation.

Je n’ai pas de réponse. Mais je trouve ça génial toutes les questions qu’une installation comme celle-ci peut soulever. Il y aura toujours des gens pour s’indigner « mais comment ose-t-on présenter cela comme de l’art ? » et d’autres qui seront séduits.
Un autre point, c’est la durée, l’inscription de l’œuvre dans le temps. Sur le cartel : 1989-2006. On voit souvent des cartels à trait d’union (notamment dans l’expo Los Angeles à Beaubourg également) mais ils disent autre chose. La plupart du temps, l’artiste réalise une œuvre, nous avons la première date. Mais cette œuvre est plus l’illustration d’un concept que le résultat d’une action finie. C’est donc le concept qui fait trait d’union car, dans le cadre d’une nouvelle exposition, l’œuvre est non pas copiée à partir de la précédente mais plutôt re-présentée avec toujours comme point de départ ce concept.
Avec les tableaux chinois d’Ingo Maurer, on oublie de temps de la re-présentation, le « re » indique un temps fini alors que les tableaux chinois parce qu’ils intègrent des poissons vivants produisant un mouvement perpétuel, sont dans une continuité. Même s’il y a sûrement des temps où l’installation est vide, sans poisson, le mouvement et le vie des poissons lors de son exposition induisent un sentiment de continuité au-delà du concept. Le sous-titre de l’œuvre fait d’ailleurs référence à cette continuité en mouvement : chaque moment est original. Une sorte d’axiome.

Cette œuvre a eu le mérite de m’intriguer. Je ne sais pas si on peut dissocier la poésie qu’elle véhicule du fait que c’est quand même dingue de voir de poissons vivants dans un musée. Est-ce que le but de l’œuvre n’est pas manqué si la première chose que l’on remarque ce sont les poissons ? La poésie n’est-elle pas contredite par l’aspect spectaculaire de voir des poissons rouges ?

Une dernière question : comment se fait-il que le bassin soit si propre ?

mardi 2 mai 2006

Drawing Restraint 9


Drawing Restraint 9
De Matthew Barney
Avec Björk et Barney

Drawing Restraint 9, déjà, qu’est-ce que c’est que ce titre ?
Un oxymore, drawing donne à la fois le sentiment d’un mouvement, d’un glissement d’une traction mais fait également référence à l’acte créateur du dessin, restraint, la restriction. Il y a donc un élan réfréné ou c’est peut-être cette restriction qui se fait mouvement. Un oxymore qui présage de la lutte de forces, un titre qu’on ne cherche pas forcément à comprendre en regardant le film mais qui se présente comme une nouvelle variation du travail de Barney sur les contradictions.

9, encore un cycle comme le Cremaster Cycle ? Je n’ai trouvé aucune information à ce sujet, et l’idée d’un cycle contrasterait avec ce sentiment d’unicité véhiculé par l’exaltante symbiose du couple Barney/Björk.

Le synopsis (dans le communiqué de presse):
« A bord d’un baleinier japonais dans la baie de Nagasaki, une énigmatique sculpture de vaseline est retenue par un dispositif de barrières pour en préserver la forme. Deux occidentaux sont accueillis à bord du navire, sont traités avec le plus grand soin, revêtus d’habits de fourrure inspirés des tenues de mariage de la tradition Shinto. Le vaisseau est pris dans un orage. Dans l’agitation, la sculpture perd sa forme et la vaseline liquide se répand. Dans leur cabine, les deux invités se trouvent prisonniers des eaux… »

L’univers de Barney, son goût pour le détail s’adapte parfaitement au soin apporté par la tradition japonaise quant à tout ce qui relève de l’ordre des préparatifs. Et ils ont leur importance, toute la préparation est rigoureusement mise en scène et nous plonge dans un univers fantasmagorique pour aboutir à l’accouplement intellectuel du couple Barney/Björk, sorte de consécration artistique de leur union. Parce qu’il semble réellement que le film leur soit dédié. J’irai même jusqu’à dire que Barney fait preuve de galanterie en nous présentant sa femme, je ne saurai trop dire comment mais je ne pense pas fabuler pour autant mais il semble que Barney reste humble dans son rôle d’invité alors qu’il met Björk sur un plus haut piédestal, c’est une reine plus majestueuse.

Le spectateur a un rôle délicat quant à cette exhibition car il peut difficilement entrer dans le film sans être voyeur.
Dans la forme évoquée dans le synopsis, on retrouve la vaseline chère à Matthew Barney. Cet élément organique paraît d’autant plus obscène à côté du soin recherché, ce contraste participe évidemment à l’esthétique du film. La vaseline ne dégoûte pas, elle ne paraît pas extérieure à nous, elle fait référence à nos propres fluides, elle est le reflet extérieur d’un en-nous organique. C’est pour cela qu’il glisse, coule et s’insinue dans chaque recoin si parfaitement.

La forme qui la contient c’est l’emblème, l’écusson de Barney. Ce n’est pas seulement une référence à lui-même en tant qu’artiste-star, comme le serait une simple marque de fabrique. C’est plutôt comme un rappel de la base de son travail. Cette forme, une sorte de gélule à plat (je voulais essayer de le décrire plus poétiquement avec deux arcs de cercle et quelques allusions plus métaphoriques mais au fond tout le monde sait à quoi ressemble une gélule) traversée au milieu par une bande, sorte de transept. Elle a la force d’un signe cette forme. Selon Barney, elle représente le sexe d’un fœtus âgé de 6 à 7 semaines alors que la différenciation n’a pas encore eu lieu. Il y a donc opposition par la bande mais unité du signe. Les invitations envoyées au deux occidentaux reprennent cette forme, mais on peut surtout la voir plus figurative dans l’affiche. Voilà, je pense que là, ça se passe de commentaires. Tout le blabla que j’ai pu vous faire plus haut est contenu dans cette affiche et même bien plus.

On parle donc d’androgynie, et encore, le terme est tellement connoté qu’il ne reflète pas suffisamment l’obsession de Barney quant à l’indifférenciation sexuelle (dois-je vous rappeler la définition de cremaster ?: mouvement descendant des testicules) , mais également d’hybridation. Cette hybridation permet entre autres d’intellectualiser la rencontre charnelle du couple.

Au-delà de toutes critiques, Drawing Restraint 9 est un film extrêmement riche en signification. Tout est tellement pensé que cela en devient vertigineux.
Juste un mot sur le contexte, le japon, le baleinier, les traditions… Il y a également un discours et une histoire sur la pêche à la baleine et sur ce bateau le Nishin Maru, je l’ai trouvé secondaire. Non pas qu’il soit pauvre mais il agit en tant que contexte, contexte extrêmement bien illustré mais seulement pour servir en tant que contexte. Avec les rappels tels que la forme de la gélule, la vaseline, il semble que l’univers de Barney pourrait s’implanter dans n’importe quel contexte, c’est tout un monde, Un monde dont on semble être coupé, on reste spectateur, et le spectacle nous renvoit à ce rôle.

J’allais oublier la musique de Björk qui colle parfaitement au film en s’inspirant du théâtre Noh, et en intégrant des anciens instruments japonais…Drawing Restraint 9 est un film complet. Je ne pense pas que ce soit le genre de film que l’on recommande. Je ne saurai pas dire si j’ai aimé, je ne regrette pas de l’avoir vu. Barney me dérange dans son esthétique nombriliste, il fait peur c’en est presque totalitaire comme univers. Mais sa vision forme un tout tellement étranger de ce que l’on connaît qu’il s’impose à nous.