jeudi 26 octobre 2006

William Forsythe au Louvre

William Forsythe et Peter Welz
Retranslation/Final Unfinished Portrait (Francis Bacon)
Du 13 octobre au 11 Décembre
Au Louvre


Le dessin est geste. Le dessin est danse. Le dessin est espace.

William Forsythe s’est imprégné de l’énergie du dernier tableau inachevé de Bacon. Il s’en est imprégné et l’a retranscrite sous la forme d’une performance dansée.

La peinture, le dessin prennent alors une toute autre dimension. La performance est une superbe mise en abyme de l’élaboration picturale. Les formes, les lignes, les couleurs traduisent bien une dynamique picturale chez Bacon mais si ses œuvres sont si puissantes c’est justement parce que ces formes, lignes et couleurs vont au-delà d’une simple composition dynamique. Elles renvoient à un au-delà non perceptible sur la surface de la toile elle-même. Elles renvoient à l’énergie du peintre, à son état second nécessaire, à cette lutte contre la toile blanche dans l’espace. Elles sont l’impression bidimensionnelle de cette danse.
Avec la performance de Forsythe, la toile de Bacon n’est plus seulement image. La toile est présentée avec suffisamment de recul pour suggérer cet espace devant la toile dans lequel Bacon a œuvré. Mise en résonance avec les trois panneaux vidéo (de 4m par 5) restituant la performance de Forsythe par Peter Welz, la toile n’est plus une illustration sur laquelle on aura bien voulu mettre un titre, elle est également un moment, un temps, une rencontre dans un temps donné.

Les panneaux vidéos restituent la performance de Forsythe et nous le présentent à échelle humaine. Il y a donc une identification immédiate de l’espace qui s’opère. Un panneau reprend la performance vue du dessus, permettant ainsi de constater ou plutôt d’imaginer le résultat de la danse de Forsythe sur le papier blanc au sol. Forsythe, pinceau noir vivant, est équipé de gants et chaussures sur lesquels a été accroché du fusain. La vue du dessus est encadrée par deux autres panneaux reprenant une vue sur le côté. On perçoit ainsi les angles de cette pièce blanche.

Le double point de vue, associé au mouvement de la danse créent cette ivresse de la création grâce à une perte de repère relative. Le corps se tord et se distord dans un état second au-delà des lois de la pesanteur. Forsythe est animé par cette recherche, ce processus qui caractérise la création. Il ne s’arrête pas parce qu’il pense avoir fini mais parce qu’il a pu dégager toute l’énergie dont il était empli. Dans cette longue salle, la toile de Bacon est présentée en premier, puis viennent les trois panneaux, positionnés de manière à créer une déambulation linéaire et enfin la grande feuille blanche, résultat de la performance. La boucle est bouclée en quelque sorte. Mais ce qu’il est important de noter, ce n’est pas la ressemblance du résultat de la performance avec l’œuvre de Bacon mais simplement le fait qu’elle soit là. Forsythe n’a pas cherché à faire du Bacon, ni même à imaginer une chorégraphie correspondant à chaque trait présent sur la toile, la performance est essentiellement improvisation.


La performance de Forsythe n’existe que parce qu’elle renvoie à une œuvre picturale. Elle n’est belle que parce qu’elle est une sublimation de l’œuvre picturale. Elle ne s’en décroche pas. C’est la reconsidération de l’œuvre en deux dimensions en tant qu’élaboration spatiale qui est intéressante. La confrontation de la peinture, à la performance et à l’installation vidéo se fait parfaitement et les différents arts s’en trouvent enrichis. Retranslation/Final Unfinished Portrait (Francis Bacon) est donc à voir comme un tout. A isoler la seule performance de Forsythe, on serait déçu.