mardi 19 septembre 2006

Léviathan Thot



Léviathan Thot
Ernesto Neto
Du 15 septembre au 31 Décembre 2006
Au Panthéon




En bonne petite étudiante en art et en design que je suis,oui, oui, j’aime le travail d’Ernesto Neto, ces collants de lycra tendus par le poids d’épices ou de billes de polystyrène.
Neto forme des espaces suspendus au plafond qui se déploient comme une armée de stalactites mous. Terriblement organique et terriblement attractif.

Ces installations sont sensorielles. Les épices titillent notre odorat, la matière du lycra incite au toucher et la suspension au plafond agit comme un étouffeur de bruit, mais pas d’oppression ici, on n’est pas chez Beuys.
C’est sûr, il y a une recette Neto et elle est efficace même si elle peut sembler lassante.


Quand j’apprends qu’une installation monumentale occupe le Panthéon, je pense d’abord au volume du monument et frémit d’avance à l’idée d’une installation si grande. Et l’effet est au rendez-vous, Léviathan Thot s’inscrit dans tout l’espace du Panthéon. Il suit son plan en croix et se répand sur ces quatre nefs. La suspension en contraste avec la pesanteur des collants accentuent la hauteur du bâtiment, comme si elle devenait palpable.

Un vague souvenir du Léviathan, sorte de monstre marin. Je n’aurai pas besoin d’approfondir mes recherches car on comprend bien vite que la référence au livre de Job dans le titre de l’installation n’est un prétexte à l’inscription de l’œuvre dans le monument. Il semble que Neto soit plus intéressé par les possibilités formelles qu’offre le concept du Léviathan que par son idée en elle-même. Ses justifications métaphoriques paraissent secondaires et passablement tirées par les cheveux.

Ca y est, l’effet sensationnel est passé et la vidéo vue, il est temps de me saisir d’un guide ou autre agent du patrimoine pour lui assener ma batterie de questions.
En commençant doucement, bien sûr, « oui, c’est bien de la lavande dans les collants, il y a de la camomille aussi ». Le guide est amadoué mais pas assez pour vraiment me donner le fond de sa pensée quant à l’installation et son intégration au sein de l’architecture du Panthéon. Alors gêné, il me relègue à un collègue très très remonté contre l’œuvre de monsieur Neto. C’est un scandale, comment ose-t-on montrer ça? Ici? Non, ce Monsieur Neto, c’est un cynique, un cynique. Bien sûr, je gobe ses paroles quoiqu’un peu chamboulée. Là-dessus arrive une autre guide prête pour une visite. Messes basses « Tu vas parler de… ça? » « Non, rien à dire dessus ». Le livre d’or finit de m’achever : « L’architecture somptueuse du Panthéon est gâchée par ce truc. »

Et tous ces gens qui sont venus visiter le Panthéon…On ne voit pas grand chose du Panthéon, c’est un arrière-plan qui agit comme un contraste pour l’œuvre.

Neto en a pris un grade dans ma petite culture artistique mais il continue de me séduire. J’ai la bonne excuse d’être trop jeune je pense, pour m’engager dans un jugement sur la décision d’implanter cette installation ou non dans un monument historique tel que le Panthéon mais les questions qu’elle soulève ainsi que ses conditions (dans le cadre du festival d’automne, Neto est invité par le Ministère de la Culture) sont terriblement intéressantes au delà des lamentations habituelles « oui, et tout ça avec l’argent du contribuable ».

Libre à vous de me donner votre avis...

dimanche 3 septembre 2006

Scénographies d'architectes

Scénographies d’architectes
Du 7 juillet au 22 octobre 2006

Au Pavillon de l’Arsenal

« modifier l’espace et la matière d’un lieu pour transformer le regard porté sur les choses et transmettre un message »
christine desmoulins, critique d'architecture

" Vitrines gonflables (…) structures en lévitation (…) parcours sonore… "

Quelle intro dans ce communiqué de presse ! J’ai couru voir au Pavillon de l’Arsenal pour expérimenter toutes ces scénographies. 115 pour être précise, oui 115 et toutes réunies au premier étage, celui qui est troué par un puits de lumière. Forcément, je suis déçue parce que je n’ai pas pu rebondir sur les vitrines gonflables comme je l’espérais, non, je les ai vues en photo, ça prenait moins de place. En même temps, connaissant le lieu, à quoi d’autres j’aurais bien pu m’attendre ?
Il y a bien quelques maquettes au sol mais l’accent est mis sur la multiplication de cette trentaine de panneaux lumineux qui rythment verticalement l’espace. La suspension au plafond apporte une respiration et l’espace n’est pas saturé.

Exercice délicat pour Dominique Perrault d’organiser la scénographie d’une exposition de scénographies d’architectes mais superbe mise en abyme !
Des 115 scénographies, 65 sont présentées dans ces caissons lumineux recto verso tandis que les 50 dernières (scénographies exclusivement réalisées au pavillon de l’arsenal par des architectes de 1989 à 2006) défilent en diaporama dans un coin.

La grande majorité des scénographies ont été imaginées pour présenter les travaux de l’architecte scénographe. La scénographie est donc utilisée comme moyen d’immersion dans un univers architectural. Ainsi, Toyo Ito imagine en 2001 des colonnes lumineuses de 11m qui font office de support pour ses maquettes et d’écran pour les projections.
Certaines expositions comme la récente I’ve heard about au couvent des cordeliers par R&SIE (François Roche, Stéphanie Lavaux, Jean Navarro) s’affirment en tant qu’expérimentation, démonstration d’une théorie architecturale plutôt que d’un style en l’occurrence ici, l’architecture fractale.
La encore plus récente Morphosis, ne s’inscrit pas dans l’histoire de cette agence comme une parenthèse dans leur création ou un bilan de leur travail, la scénographie est un projet à part entière.

Il est donc intéressant de voir le dialogue qui se crée entre l’écriture architecturale et sa propre mise en scène. Comment répondre à la difficulté de présenter l’architecture, d’aider le visiteur à se projeter dans une architecture qui ne peut être déplacée pour les besoins d’une exposition sans créer un manque ?

Cependant, bien qu’elle soit majoritaire, la scénographie d’expositions d’architectes n’est pas le seul type d’expositions présenté. Quelques remarquables scénographies pour des museums d’histoire naturelle, très peu dédiée à l’art et ceci n’est pas anodin. La scénographie doit servir le discours du commissaire et non le supplanter ce qui implique un certain nombre de contraintes particulièrement frustrantes pour le scénographe surtout s’il est accessoirement architecte star.
La scénographie doit permettre à l’expo de former un tout et non une collection limitée d’objets, elle doit unifier.

L’éphémère d’une exposition temporaire est une inspiration nouvelle pour l’architecte qui doit créer avec de nouveaux enjeux et de nouvelles contraintes (relation à l’exposition permanente en terme d’image, matériau et forme en terme de transport si l’exposition est itinérante).

L’exposition voyagera à travers l’Europe à partir de fin 2006.

photo provenant du site