mardi 27 février 2007

Tàpies


Les affiches de Tàpies et la sphère publique
Du 21 décembre au 25 février 2007
à la Fondation Tàpies, Barcelone




La Fondation Tàpies, à Barcelone, c’était à ne surtout pas manquer. Il fallait absolument y aller, coûte que coûte, vaille que vaille.
Un coup d’œil sur le guide des expos temporaires : Tàpies’posters and the public sphere ou si vous préférez : els cartells de tapiès i l’esfera pùblica. Mouais. Des posters, quoi. Déçue, déçue… M’enfin il y aura toujours la collection permanente pour encore constater du pouvoir fascinant des « murs » de Tàpies. C’est donc avec un peu de réticence que j’entre dans la fondation Tàpies, réticence parfaitement dissimulée, cela va sans dire sans quoi j’aurais pu me retrouver à faire l’expo en solo…

Les œuvres de la collection permanente se comptent sur le bout des doigts, 2-3 beaux grands murs, des sculptures et des peintures surréalistes très empreintes de l’influence de Miro. L’équilibre est de rigueur.


Maintenant, allons voir les posters… D’ailleurs, plutôt que posters je préfèrerais affiches parce que « posters » a ceci de plat parce que trop lié à l’industrie commerciale quand « affiches » est plus vindicatif. La matière que j’aime dans les murs de Tàpies, je la retrouve ici dans l’épaisseur de ses traits, dans la vitesse de ses gestes enregistrés dans la peinture, dans les nuances colorées. Même dans les affiches les plus minimalistes, la couleur du papier est pensée, le papier perd donc sa neutralité et accède au statut d’objet et c’est là aussi qu’on peut voir le pont avec ses grandes peintures.


On n’est pas encore dans l’art graphique comme pure expression de l’artiste. L’affiche dit quelque chose, elle signifie et livre
un message.





Comme c’est suggéré dans le titre de l’expo, deux types d’affiches sont présentées : Celles annonçant les nombreuses expositions personnelles de Tàpies et les affiches commandées dans le cadre de campagnes sociales. Dans les premières, sont donc confrontées les œuvres de Tàpies aux informations relatives à l’exposition. S’opère alors un dialogue entre les deux et dans lequel ladite œuvre reproduite n’intervient pas seulement comme une illustration. Pour comprendre la spécificité de ces affiches, pensez à n’importe quelle autre affiche annonçant une exposition monographique : l’image, que ce soit une reproduction d’œuvre, ou bien un mix d’œuvres est souvent conçue comme le fond de l’affiche, le support en quelque sorte et les mots, l’information vient se surajouter dans un parfait copier-coller. Il y a donc deux temps dans l’affiche : l’œuvre finie (image) et le regard sur l’œuvre (texte). Cette information sur l’affiche oriente par son message le visiteur.


Dans les affiches de Tàpies, l’image, c’est l’affiche toute entière, elle n’est pas seulement fond. On ne retrouve pas l’arrêt du temps que constitue le copier-coller « image puis information ». L’information qui intervient dans les affiches de Tàpies est dans la continuité de ses œuvres. Les œuvres de Tàpies sont ouvertes et il conserve cette ouverture lorsqu’il réalise ses affiches. Le texte informatif ne vient pas combler un vide sur le papier, il joue avec l’image pré-existante pour créer une nouvelle image.

Le fait que nombre des expositions soient présentées dans des galeries facilite ce dialogue plus immédiat. Le rapport que Tàpies entretient avec l’empreinte, la trace aussi bien dans ses larges gestes picturaux que dans ses mot griffonés se trouve enrichit de cette confrontation typographique que permet l’affiche.


Dans certaines affiches commandées par des organismes sociaux, il arrive même que les seuls mots de l’affiche soient écrits de la main de Tàpies. Aucun texte tapé à la machine ne vient compléter l’affiche. La force contenue dans ces œuvres va au-delà de la lisibilité, elle dit. Sans sous-titre, sans légende.

Dans ces affiches-là, c’est la capacité de Tàpies d’aller à l’essentiel qui est convoquée, ses gestes se font signes.

photos issues du catalogue