
Le Douanier Rousseau
Jungles à Paris
Du 15 mars au 19 juin 2006
Au Grand Palais
« Comme dans les tableaux du Douanier Rousseau lalala lalala lalala lalala woho woho wohooooo, VIVE LE DOUANIER ROUSSEAU! » Oui, tous les ans à la kermesse de l’école, il y avait toujours une classe de maternelle qui dansait sur cette chanson de la Compagnie Créole, toujours. C’est donc avec cette chanson dans la tête que je me suis rendue au Grand Palais, je l’ai même fredonné dans les salles. Enfin, j’allais voir ce Douanier Rousseau, un peu mystérieux pour moi ce douanier et quel rapport avec la Compagnie Créole ?
Avant l’expo, j’avais bien vu quelques reproductions dans le dictionnaire quand, au collège, je cherchais des informations sur Jean-Jacques (notre douanier s’appelle Henri). J’ai un vague souvenir au Musée d’Orsay mais j’étais bien trop pressée d’aller voir Courbet et Manet. Je m’en veux, je m’en veux. Mais le Douanier Rousseau est plus ou moins absent de mes cours d’histoire de l’art, est-ce que j’aurais mal recopié ?
Bref, j’y vais. Là, on apprend que le Douanier Rousseau était un incompris mais qu’il était quand même reconnu par Picasso et Apollinaire (petit moment de honte personnelle : j’apprends qu’Apolinnaire a lui aussi dit « Vive le Douanier Rousseau », moi je n’ai que les woho dans la tête). Alors là évidemment se déclenche en moi ce réflexe : mince alors, il l’aime tous (oui, tous : Picasso, Apollinaire, je ne veux pas me ranger dans la catégorie de ceux qui n’aiment pas parce qu’ils n’y ont rien compris), pourquoi je n’y réagis pas ? Pourquoi je me dis même que c’est plutôt moche ? Argh, très inconstructive comme remarque.
Je ne prends pas de plaisir à regarder ces premiers portraits car je les trouve disproportionnés. La dame devant dit pareil que moi, sentiment désolant que de penser la même chose que le visiteur lambda. J’essaie de trouver une justification aux disproportions, à l’effet masque des visages, on me dit que c’est naïf sur le cartel, j’essaye de me convaincre.
Et puis arrive cette salle, la salle 7 « les sources », on replonge dans la fin XIXème, côté littérature : Conrad, Kippling, Verne ; il y a aussi les expositions universelles dans lesquelles la France coloniale présente des « exhibitions ethnographiques », des photos du jardin des plantes, du jardin d’acclimatation…
Rousseau n’a jamais quitté la France, c’est donc grâce à ces jardins, grâce à ces expositions, ces lectures qu’il se crée cet univers onirique. Tout est recontextualisé dans mon esprit, maintenant je comprends, j’ai trouvé une brèche par laquelle je peux infiltrer l’œuvre du Douanier Rousseau. La preuve en est, je n’ai pas résisté à sortir mon carnet et mon stylo. Ca m’intéresse. Ce rapport du lointain et du proche, ces superpositions dues à l’accumulation des plantes dans les jardins parisiens mais aussi à la multitude d’images (photographies ou dessins) dont Rousseau s’inspire.
Il y a quelque chose qui m’intéresse maintenant, je le sens, je ne pourrais pas dire que ça ma plaît mais ça m’intéresse, je voudrais l’étudier, comprendre plus en profondeur. Je n’en suis plus à faire ces mêmes pâles constats : « oui, enfin si il est vraiment intéressé par la jungle, il n’a qu’à voyager, quand on veut on peut et plus la peine de faire semblant en allant au jardin des plantes. » Il y a quelque chose qui me fascine, je sens quelque chose qui est tellement étranger à nos modes de pensée actuels.
Je suis contente, je ne me suis pas forcée. Je n’aime pas Rousseau, il m’intéresse (je radote ?) dans la compréhension de ce contexte artistique historique, il fait écho à mes questionnements sur le colonialisme lors de ma lecture de Conrad. Mon jugement se nuance.
Ca y est, je suis préparée à voir les dernières salles qui accueillent les plus grandes toiles de Rousseau, les jungles. J’y trouve même un certain plaisir à les regarder, tous ces camaïeux de vert, ces animaux (le lion ayant faim se jetant sur l’antilope), mêmes les portraits dont j’apprécie mieux le rapport à la photographie pour finir sur le rêve.
J’ai réussi à nuancer mon jugement. J’ai mis de la distance avec l’œuvre du Douanier Rousseau, la distance de l’étude qui n’est pas celle de l’étude d’œuvre mais celle de l’étude historique, sociale, artistique. Développer mes propres considérations sur cette étude ici n’est pas mon intention. C’est la distance nouvelle que je n’avais jusqu’à lors éprouvée qu’en littérature (et pas seulement avec Conrad) qui m’intéresse. C’est un rapport plus nuancé aux œuvres.
Vive le Douanier Rousseau !