lundi 13 avril 2009

Tadao Ando




Cette publication est le fruit de sept entretiens entre Michael Auping, commissaire du  Musée d'Art Moderne de Fort Worth (Texas), et Tadao Ando, architecte Japonais. Étalés sur 4 ans, les entretiens accompagnent la construction du musée et invite Tadao Ando à définir quelques concepts clés de son architecture.




Sur le centre : 

"L'idée d'un centre est très intéressante : c'est un concept plutôt occidental. Lors de son voyage au Japon, Roland Barthes a dit que c'était un pays qui ne semblait pas avoir de centre ; doté d'une grande profondeur, mais dépourvu de centre. Je crois que je porte en moi cet aspect du Japon. Pour moi, le centre d'un édifice est toujours la personne qui s'y trouve, celle qui expérimente l'espace depuis l'intérieur d'elle-même. Le défi de concevoir un espace suffisamment généreux pour permettre à chacun de devenir le centre."



Sur la lumière et l'obscurité :

"Si vous voyez la lumière, c'est grâce à l'obscurité. Dans ma maison d'Osaka, on entrait par un espace sombre et, à mesure qu'on avançait, plusieurs ouvertures, bien que restreintes, permettaient l'entrée de la lumière. Grâce à l'obscurité on sentait la forte présence de la lumière. [...] En général, il fait relativement sombre à l'intérieur d'une maison japonaise traditionnelle, Eh bien, quand vous êtes assis dans une pièce sombre et que vous regardez un jardin éclairé par la lumière naturelle, vous pouvez commencer à sentir la relation fondamentale qui lie la lumière et l'obscurité, et la raison pour laquelle elles ont besoin l'une de l'autre pour s'exprimer. Je l'ai senti dans la maison de mon enfance. J'aime que les gens parlent de la lumière dans mes édifices, mais je pense qu'il est tout aussi important de prêter attention aux ombres. Elles jouent un rôle très important. L'ombre et l'obscurité contribuent à la sérénité et au calme. Je pense que l'obscurité offre la possibilité de réfléchir et de contempler.
[...]


Les zones d'obscurité sont fondamentales, et je pense même, pour employer une image, que ces zones communiquent avec des strates de création plus ou moins profondes. Il me semble que les philosophes, les poètes, et tous ceux qui passent une grande partie de leur vie en train de réfléchir à des choses essentielles ont, dans l'endroit le plus reculé de leur paysage mental, ce que j'appellerais une cicatrice. C'est quelque chose de profond en eux, ou dans leur passé qui les amène à penser la vie d'une façon différente. Cette cicatrice leur donne envie de se battre et la force de l'exprimer. Je pense à l'architecte Daniel Libeskind, par exemple. Il est juif et je crois qu'il vit avec la cicatrice d'être juif, la cicatrice de l'histoire difficile des Juifs. Tel me paraît être l'imaginaire qui guide sa créativité. Et ses édifices contiennent justement d'importantes zones d'obscurité."Gras



Sur le mur :

"Quand les murs commencent à émerger du sol, ils ont une présence très forte. Ils proviennent de la terre et semblent pousser à partir d'elle. [...] Ils annoncent l'espace de l'édifice. Et quand on assiste au moment où les murs émergent du sol, comme vous l'avez fait, cela laisse en nous une impression très forte. Et c'est encore plus saisissant quand le mur n'a aucune ouverture. C'est comme une affirmation monolithique.
[...]
Un mur est un objet qui interroge. Quand vous regardez un mur, il y a un espace devant et derrière lui. Un mur lie deux espaces. Il peut interroger cette relation ou vous faire réfléchir sur cette relation. On peut toujours poser la question de savoir, par exemple, ce qu'il y a derrière un mur. Un mur devrait encourager les gens à penser. 
[...] 
Si vous regardez un mur devant vous, vous pouvez le percevoir comme un objet. Si vous regardez le mur de côté, vous comprenez qu'il sépare l'espace. Si ensuite il se raccorde à un autre mur, vous commencerez à le voir comme un conteneur d'espace. Alors le mur fonctionne comme un abri, comme une protection, véhicule un sentiment de sécurité concernant les éléments. C'est la fonction la plus primitive d'un mur, et c'est un des aspects les plus importants en architecture. Créer des espaces qui inspirent un sentiment de bien-être est le principal but de la construction d'un mur. Définir ses caractéristiques physiques est un défi. Un mur doit revendiquer sa présence en termes de forme et de matérialité, et vous faire sentir qu'il a son propre pouvoir et sa propre présence, sans pour autant s'imposer par la force ni vous intimider, mais plutôt en inspirant la confiance."




Sur la monumentalité :

"Quand vous visitez à Rondchamp l'église de Le Corbusier, vous ne pouvez pas dire que c'est un édifice grand, mais vous pouvez dire qu'il a des caractéristiques monumentales. Son emplacement dans le paysage et la façon dont on l'approche, favorise une sensation d'anticipation. Ce n'est pas par sa taille, mais la façon dont il se dresse dans le paysage à mesure qu'on l'approche qui nous donne la sensation d'être arrivé dans un endroit important. Le contexte et l'approche sont très importants. La même chose est vraie dans un intérieur. À Rondchamp, l'impression de grandeur de l'espace est véhiculée par la façon dont les plafonds se haussent aux bons endroits et à la bonne hauteur. On peut parler là d'éléments monumentaux."

1 commentaire:

Sissi a dit…

Très intéressant ton article et le fait de décrypter l'art-chitecture pour nous... cette approche qui n'est pas toujours évidente pour moi me permet de voir autrement...

merci

Sissi